NATHALIE HALLEY ET GIL PRÉSENTENT LEURS TIGRES

Les fauves arrivent dans la rue

Les bébés de Nathalie vivent en cage et pèsent 350 kilos. Portrait d'une dompteuse qui a appris sur le tas.

“Je ne suis pas une fille du cirque. A dix ans, je rêvais d'avoir des tigres et de travailler avec eux. Ca faisait rire mes camarades. Mes parents et mes professeurs étaient inquiets…” Son rêve, Nathalie le réalise aujourd'hui. Depuis qu'elle a rencontré Gil, voici cinq ans, ils partagent leur passion : ils parcourent la France en compagnie de quatre tigres et d'un léopard. Comme quoi, le hasard de la vie peut bien faire les choses. “Ma mère a voulu me payer l'école du cirque, mais on ne pouvait pas y apprendre le dressage, poursuit Nathalie. Je me suis alors lancée dans la coiffure. Mais après dix ans, j'en avais marre de vivre la journée. J'ai donc travaillé comme barmaid dans une discothèque. Là, j'ai rencontré un mec qui faisait un numéro de cheval. Je lui ai fait part de mon amour des tigres. Il m'a dit qu'il savait comment s'en procurer et qu'il pouvait m'apprendre à les dresser. C'est là que tout a commencé.”

Nathalie et Gil ont donc adopté deux bébés tigres mâles. Au début, la vie n'était pas simple. “On les a élevés en appartement. On avait peu de moyens et on voyageait avec trois huskys et deux tigres en… Ford Fiesta ! Lors des moments difficiles, on mangeait aux Restos du Cœur.” C'est qu'il faut attendre avant de pouvoir monter un numéro de fauves. Les animaux ne sont dressables qu'à l'âge d'un an. Avant, ils ne sont pas attentifs et plutôt joueurs. Ensuite, il faut encore six mois afin de leur apprendre correctement leur numéro. Les mâles ont été rejoints par deux femelles et un léopard. “Eux, on ne peut pas les toucher, car on les a eu adultes. Ils sont simplement dressés, pas apprivoisés.”

Sueurs froides

Se retrouver isolée au milieu de fauves, ce n'est pas rassurant, surtout au début. Mais la passion prend le dessus sur la peur. “La première fois que je suis entrée en cage, je n'avais pas d'expérience de fauves adultes. Je n'avais jamais vu d'accident et je ne me rendais pas réellement compte du danger. Avec les femelles, j'ai eu une petite appréhension, car je ne les avais pas élevées, mais sans plus.” Pourtant, Nathalie a vite appris les risques du métier : “J'ai été mordue deux fois par une femelle en débloquant sa cage. Ce n'est qu'une faute d'inattention. Par contre, un jour, le léopard m'a sauté dessus. Il a senti une odeur d'oie sur mon pantalon et a attaqué.” C'est lors de ces moments qu'il faut vite se ressaisir et prendre son courage à deux mains pour retourner au milieu des fauves. Plus facile à dire qu'à faire… “Je ne rentre plus en cage avec le léopard, j'ai peur. Il le sent et il le sait, car il a déjà pris le dessus sur moi. Après cet incident, j'ai mis longtemps avant de retourner en cage. La première fois, j'ai eu des sueurs froides. J'avais l'impression que la tigresse attendait la moindre inattention de ma part pour m'attaquer. Le lendemain, ça allait déjà mieux.”

Les tigres sont peut-être dangereux, mais ne sont pas bêtes. “Moins que les chevaux, en tous cas. Avec les fauves, si on s'arrête un mois, on n'a pas besoin de répéter : ils se souviennent du numéro. Ils connaissent l'ordre des exercices et les exécutent parfois avant qu'on ne le leur demande. Le problème, c'est quand on veut changer quelque chose, comme leur place dans la cage. Alors, c'est une catastrophe…”

La sécurité de la rue

Nathalie et Gil travaillent dans la rue, seuls. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'est le meilleur moyen d'avoir une vie stable pour eux. “Il n'y a rien de plus facile que d'être embauché dans un cirque en France. Mais on n'y a pas de contrat, on n'est pas déclaré et s'il y a un problème, on ne reçoit aucune aide de la sécurité sociale. On vit au jour le jour. En plus, on voyage beaucoup : c'est la rengaine montage, spectacle, démontage, route. On ne passe pas assez de temps avec les animaux. Nous, on préfère travailler en plein air et rester plusieurs jours dans une même ville.”

Les répétitions et le spectacle ont lieu à la vue de tout le monde. Gil raconte leur histoire et ensuite, très galant, il cède la place à Nathalie pour montrer les tigres. Enfin, ils passent dans l'assistance avec le chapeau. A votre bon cœur, messieurs, dames. Les vrais artistes de rue existent encore...